mardi 22 janvier 2013

Setúbal

Setúbal: à 45 km. de Lisbonne, ville portuaire sur l'estuaire du Sado. Côté pile des édifices qui s'écroulent, le plus fort taux de chômage du pays, une économie à la dérive. Côté face: le ferry qui permet de rejoindre de magnifiques plages, les tascas du quartier des pêcheurs où l'on sert les meilleurs chocos fritos de la péninsule ibérique.
 C'est là qu'avec le peintre et ami Paulo Robalo nous avons organisé une exposition dans la Casa da Avenida. En vérité un petit palais plus qu'une maison avec un fonctionnement à mi-chemin entre galerie privée et centre culturel. Les maitres des lieux, Maria João et João Frade nous ont laissé carte blanche pour donner naissance à l'exposition "A nossa arte é a vossa casa" (notre art est votre maison).


 L'objectif était de faire se rencontrer des artistes de générations, de nationalités et de cultures différentes; de faire cohabiter des pratiques diverses (peinture, dessin, sculpture, installation).
Huit artistes et leurs oeuvres ont habités durant le mois d'octobre 2012 la Casa da Avenida: Paulo Robalo, Diogo Pinto (Portugal), Ahmed Hajoubi, M'Barek Bouchichi (Maroc), Gil Gelpi (Espagne), Charlie Tastet, Pierre Mergen et moi (France).

Au rez de chaussée, dans la partie galerie proprement dite, exposition collective de dessins.




A l'étage chaque artiste avait à sa disposition une pièce entière.









 Le jour du vernissage et tout au long de l'exposition d'autres arts ont fait vibrer les murs de la maison: poésie, musique (jazz, fado), performance, video art.



Une merveilleuse expérience qui sera reconduite en 2013.










Nb; Les dessins (technique mixte sur papier)  exposés au rez de chaussée font partie de la série Conhecer/Reconhecer, à l'étage les peintures (acrylique sur toile) et les dessins (mine de plomb sur papier) sont issus de la série La música callada del cantaor. L'élaboration de ces travaux a donné naissance à un film intitulé La mano azul. Ce long métrage documentaire, réalisé en 2009 par Floreal Peleato, a été projeté durant l'exposition.
De ces séries comme du film je reparlerai bientôt.


samedi 12 janvier 2013

Belmonte, toujours


Un nouveau magazine sur la tauromachie a vu le jour au printemps 2012. Intitulée "Toronotes"cette revue s'articule autour de deux thèmes centraux. Pour son numéro deux, paru en septembre, l'ami Rodolfo Arias, directeur de la publication, m'a demandé une contribution en texte et en images pour un dossier consacré au torero et à son image. Pareil sujet ne pouvait que me séduire et j'ai collaboré avec plaisir en centrant mon propos sur un cliché de Juan Belmonte qui m'accompagne depuis longtemps. C'est à partir de cette photographie que j'ai réalisé de nombreux portraits de Belmonte dont celui présenté à Séville qui figurait dans le précédent message.


LE TORERO ET SON IMAGE

Quel torero? Quelle image? Celle d'Antoñete dans une taverne, mèche de neige, yeux cernés, cigarette et verre de whisky ou celle de Cayetano Ordoñez, regard de séducteur, cheveux gominés, favoris impeccablement taillés posant en habit de lumières pour une marque de parfum ?
Les vieux aficionados répètent à l'envie qu'un torero le reste toute sa vie et qu'il l'est autant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'arène.
Imaginons dans une rue trois maestros : El Gallo, arborant chevalière, cigare, traje corto et chapeau cordobés vissé sur le crane ; Luis Miguel Dominguin en pantalons moulants, les souliers cirés et la chemise blanche largement ouverte sur une batterie de médailles. Enfin un matador du XXI ème siècle, jeans, baskets, Ipod à la main. Alors, UN torero, UNE image ? Mieux vaudrait-il parler de milliers de belluaires et d'autant d'images.
De plus il me semble qu'il convient de distinguer au moins trois types d'images : celles que, de manière plus ou moins consciente, les toreros veulent renvoyer d'eux, celles perçues par le public et celles (photographies, peintures, sculptures...) qui peuvent être produites à partir de ces images multiples.
La question qui m'intéresse en tant que plasticien et aficionado est de savoir quel type d'image peut être pertinent pour représenter matadores et banderilleros.
Parmi les nombreux travaux que j'ai consacré aux toreros je me concentrerai sur un exemple, un exemple précisément lié à une image qui me fascine depuis longtemps : une photographie du visage de Juan Belmonte. Ce cliché d'Ibañez figure sur la couverture d'un livre de Rafael Rios Mozo El intelectual y el toreo publié en 1971 par l'université de Séville. Cet ouvrage m'accompagne depuis des années dans mes déplacements et déménagements divers (bien plus pour sa couverture que pour son contenu). Le livre, de petit format, est décoloré, corné, taché , la qualité de reproduction de la photographie médiocre, mais malgré cela (ou grâce à cela?) il demeure pour moi un support privilégié de création.
A plusieurs années d'intervalle j'ai réalisé des séries de portraits de Belmonte, variant formats, techniques, couleurs et compositions mais en restant fidèle au même cliché, créant en quelque sorte des images d'image. Pourquoi ? Pourquoi pour dire quelque chose du torero choisir une représentation d'un homme âgé, en costume de ville, aux traits aux antipodes des canons de beauté habituels?
Tout d'abord j'aime travailler par séries. Mieux qu'un tableau isolé la série me permet de tâtonner, d'explorer, de développer une idée. Et puis lorsque je regarde un champ d'oliviers je suis tout aussi fasciné et ému par l'ensemble que par le caractère unique de chaque arbre.
Ensuite j'aime les visages expressifs, façonnés par l'expérience et le temps et j'aime les peindre en l'absence de leur modèle. Je préfère recréer dans l'atelier sans trop me soucier d'exactitude et puis peindre avec le modèle face à soi c'est lui imposer son regard ce qui me gêne. De toute manière les toreros récurrents dans ma peinture, ceux dont les traits et les vies m'interrogent, les Gallo, Belmonte, Manolete, Viti, Antoñete, Rafael de Paula et autres Paco Ojeda ont disparu ou se sont retirés. Et si je continue à m'attacher à les représenter ce n'est nullement pour cultiver une vague nostalgie mais bien plutôt parce que le temps engendre une distance propice à la réflexion.
Degas et Baudelaire disaient qu'à partir de quarante ans on a la gueule qu'on mérite. Je souscris à ce jugement avec cependant un bémol concernant la tauromachie : l'homme qui s'habille de lumières, qui côtoie la peur et l'odeur de la mort murit plus rapidement que le commun des mortels . Semblables vécus laissent des traces sur les faces. Regardez comment tel torero au visage poupin à l'âge de quinze ans se transforme et présente le plus souvent vers trente ans une expression singulière, une intensité dans le regard semblable à celle de Samuel Beckett ou de Pablo Picasso.
A partir de trente ans oui c'est le bon moment pour un portrait de torero, pour parvenir à dépasser la question de la ressemblance physique, s'approcher de l'individu, tenter d'obtenir un « effet de présence ». Vélasquez disait peindre les gens como son y como están, c'est à dire dans leur essence et dans leur état. C'est vers ça qu'il faut tendre : être capable de traverser les apparences. Les peintres que j'aime, ceux que j'aime vraiment, les grands anciens, les maîtres dits classiques et les contemporains, les bons, y sont parvenus. De Goya à Bacon, de Delacroix à Motherwell, de Piero Della Francesca à Tápies, de Rembrandt à Barceló. Et je n'oublie pas les sublimes peintres chinois et japonais. Chez la plupart je trouve une interrogation sur le portrait. Et d'ailleurs qu'est-ce qu'un portrait ? Aujourd'hui je dirais que c'est sans doute la rencontre d'un regard et d'un visage grâce à laquelle le temps se fixe sur la toile.
Ainsi, à l'image de la peinture qui est un art de vieux qu'il faut commencer jeune, c'est le temps qui révèle l'image du torero.

Mathieu Sodore
Mathieu Sodore / Belmonte / 2004/
Encre de chine sur papier / 15 X 15 cm.

Mathieu Sodore / Pour Juan Belmonte / 2002 /
Acrylique sur bois / 80 X 61 cm.

Mathieu Sodore / Pour Juan Belmonte (détail)



mardi 8 janvier 2013

Toreador

Suite au précédent message concernant l'exposition "TOREADOR" à Séville quelques compléments d'information: l'exposition a donné lieu à un beau livre-catalogue qui permettait à chaque artiste, en regard de la reproduction de l'oeuvre qui figure dans l'exposition, de s'exprimer sur sa conception du terme "Toréador". Voici donc la couverture du catalogue et le texte qui accompagne le tableau.




Paillettes, opérette, castagnettes, amourettes, escopette, galipettes, épaulettes, rouflaquettes. Je prononce TO RE A DOR et voilà que déboule une ribambelle de mots en ette ! Autant de vocables que j’associe à l’une des facettes de l’univers de Carmen, celle de l’espagnolade kitsch où mantilles et falbalas font de l’œil aux matamores fanfarons et bravaches. Comme si ne retenant de la tauromachie que l’aspect rutilant et clinquant le toréador se révélait un mélange raté de torero et de matador.

Mon portrait de Belmonte : grave, fatigué, austère. Il dit profondeur là où toréador susurre légèreté, il crie engagement, tragédie, montre la fêlure. Il enserre son mystère dans l’ombre de la peur de la corne noire, il est créateur de formes, d’émotions, de poésie aussi… Il torée.

Peut-on s’approcher des taureaux en peignant ? Certains oui : Goya, maestro de l’eau-forte, Manet, diestro des gris colorés, Picasso, figura de l’énergie créatrice…

Peut-on toréer en peignant ? Peut-être, à la manière de Michel Leiris qui souhaitait introduire l’ombre d’une corne dans une œuvre. Mais quelles différences se jouent entre atelier et arènes ! Aucun chevalet ne me renverse, nul pinceau ne pénètre ma chair. Et pourtant… pourtant hier j’ai été averti par le tableau :  « ne te trompes pas, c’est le moment de conclure sinon… ».
Aujourd’hui j’ai donné trois bonnes naturelles, trois coups de pinceau d’ombre pourpre, souples et justes.

J’ôte ma blouse, j’éteins la lumière. Alors oui je continuerai, je continuerai… pas à être toréador, ça non, je continuerai… à toréer.


samedi 5 janvier 2013

Séville


"TOREADOR" est une exposition itinérante imaginée et organisée avec talent et passion par Patrick Siméon. Elle présente des oeuvres liées à la tauromachie de 146 artistes contemporains ( Erró, Alberola, Ben, Titus Carmel, Le Gac, Lacroix, Combas, Arroyo, Bioulés, Rancillac, Chambas, Castelli, Texier, Fromanger, Viallat et Di Rosa entre autres).
Présentée à Nîmes fin 2010 elle a été montrée en Arles et à Madrid en 2011 puis à Ciudad Rodrigo et à Séville en 2012.


A Séville l'exposition était présentée en juillet et août dernier dans le centre culturel Casa de la provincia, situé Plaza del Tríunfo en plein centre ville entre la Giralda et l'Acázar.



Un lieu magnifique qui permettait, sur deux niveaux et six salles, un accrochage subtil.


A l'entrée, donnant sur le patio, un merveilleux petit tondo peint sur les deux faces de Claude Viallat.

Mathieu Sodore / Juan Belmonte 
 1998 / Acrylique sur bois / 110 X 90 cm.
Chaque artiste étant représenté par une oeuvre j'avais porté mon choix sur un (vieux) portrait du torero Belmonte qui me tient toujours particulièrement à coeur.



Mon tableau était exposé dans la salle "Portraits de toreros" et en quelle compagnie: entre Castelli et Arroyo, deux artistes que j'avais découvert aux Beaux-arts au début des années quatre-vingt et dont l'oeuvre me touche.


Heureux, ému, sortir de la salle, traverser le Guadalquivir, courir à l'Altozano, s'assoir, tenter de comprendre si un dialogue silencieux entre "mon" Belmonte de pigments et celui de bronze, mystérieux et puissant, de Venancio Blanco s'est instauré...

2013 / 2012 !


Avant de parler des projets pour 2013 je vous propose un petit parcours en images de quelques expositions et évènements auxquels j'ai participé en 2012.                  

jeudi 3 janvier 2013

Caminante no hay camino


Caminante no hay camino se hace el camino al andar.
                                                           Antonio machado


Ma première exposition remonte à 1980, plus de trente ans sur les chemins de la peinture! Depuis dix ans je dis que je vais faire un site ou un blog afin de rendre plus largement perceptible ce parcours...


Le blog est là, un sentier pour partager ma production artistique, l'ambiance des expositions, faire découvrir des artistes que j'aime et plus largement pour évoquer mes passions.



Nb; La phrase de Machado extraite de Proverbios y cantares peut se traduire par: "Toi qui marches, il n'existe pas de chemin, le chemin se fait en marchant".